Dans les villes à travers le monde, la perception que l’on se fait des monuments s’est transformée. Jadis jalons d’une histoire partagée, ils sont maintenant des points névralgiques marquant la division sociale et la contestation de récits historiques. Avec Post(e)-monuments, Clinton élargit la définition du monument. Sa sélection de sites montréalais va du monument des Patriotes-du-Cimetière-de-Notre-Dame-des-Neiges (qui souligne les rébellions de 1837-38) à l’autoroute Ville-Marie (et le pavage d’une grande portion de la Petite-Bourgogne où vit la communauté noire) jusqu’à la sculpture de Sir George-Étienne Cartier (lieu des tam-tams). Chacune des sérigraphies invite le public à réfléchir aux communautés historique et contemporaine ainsi qu’aux significations personnelles de ces espaces partagés.
Place D’Armes
La Place D’Armes est l’un des lieux publics les plus anciens de Tiohti:áke / Montréal. Au centre de la place, un monument a été érigé en 1895 en l’honneur de Paul Chomedey de Maisonneuve, officier militaire français et fondateur de Tiohti:áke / Montréal. En plus de Maisonneuve, le monument célèbre quatre figures : Charles Le Moyne, Lambert Closse, Jeanne Mance et un personnage identifié uniquement comme « Iroquois ».
Place de L’Espoir
En 2018, la place de l’Espoir a été inaugurée pour commémorer la mort de Fredy Villanueva. Villanueva, 18 ans, a été abattu par un policier patrouilleur au parc Henri-Bourassa. Des coups de feu ont été tirés à la suite d’une altercation entre des policiers et un groupe d’adolescents pris à jouer aux dés à l’argent dans le parc. Le monument a été critiqué par la communauté militante pour sa nature ambiguë. La seule mention du défunt se situe sur une plaque à proximité et cite le rapport du coroner du Québec : « Il ne méritait pas de mourir ».
Place Sun Yat-sen
Le quartier chinois est composé d’un ensemble de bâtiments et de monuments construits selon l’esthétique traditionnelle chinoise. Dans son livre Les Maghrébins de Montréal, Bochra Manaï, commissaire à la lutte contre le racisme à la ville de Tiohti:áke / Montréal, parle de l’importance des quartiers culturels. Selon ses recherches, pouvoir distinguer différentes cultures à même l’architecture d’une ville crée un sentiment d’ouverture et d’appartenance.
Monument à Sir John Alexander Macdonald
Sir John A. Macdonald (1815-1891) fut le 1er premier ministre du Canada. On retrouve des statues de Macdonald à travers le pays. Dans le contexte de la réconciliation, le rôle de Macdonald dans la création et l’implantation des pensionnats a fait l’objet d’un examen approfondi. Des militant·e·s de partout au pays ont appelé au démantèlement de ses statues. En août 2020, des militant·e·s de Tiohti:áke / Montréal ont déboulonné sa statue. Bien que la ville et la province aient critiqué le geste, celle-ci n’a pas été remplacée.
Viaduc Ville-Marie
À partir des années 1890 et jusque dans les années 1950, la Petite-Bourgogne, un quartier multiculturel florissant de Tiohti:áke / Montréal, regroupait la majorité de la population noire anglophone de la ville. Des travailleurs noirs provenant des États-Unis, des Caraïbes et des Antilles se sont établis dans ce secteur pour travailler comme porteurs de wagons-lits pour le chemin de fer Canadien Pacifique. La communauté s’est agrandie et les premiers clubs de jazz de Tiohti:áke / Montréal se sont établis dans le quartier. Rockhead’s Paradise fut la première boîte de nuit de Tiohti:áke / Montréal à appartenir à une personne noire. Une grande partie du quartier historique a été rasée dans les années 1950 et 1960 par le maire Jean Drapeau pour le projet de construction de l’autoroute Ville-Marie.
Pavillon Judith-Jasmin de l’Université du Québec à Montréal
Le pavillon Judith-Jasmin fait partie du campus de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). La façade originale de la cathédrale Saint-Jacques le Majeur, qui occupait initialement le terrain, a été intégrée au bâtiment. Le système UQAM a été mis en place par le nouveau ministère de l’Éducation créé en 1964 sous le gouvernement libéral du premier ministre Jean Lesage. Avant sa mise en place, l’éducation était gérée de façon privée par les organisations religieuses. La mission du ministère était de créer « Un système d’éducation correspondant à nos besoins et mis à la portée de tous, pauvres ou riches, citadins ou ruraux, est indispensable à notre progrès économique et à la hausse graduelle de notre niveau de vie ».(Jean Lesage)
Monument des Patriotes-du-Cimetière-de-Notre-Dame-des-Neiges
En 1834, le Parti patriote démocratiquement élu a émis une demande formelle – les quatre-vingt-douze résolutions – au gouvernement britannique afin de transférer plus de pouvoir aux représentants élus du Québec. Les résolutions ont été rejetées, ce qui a causé une série d’événements menant à la rébellion. L’armée britannique entière a été envoyée pour combattre les Patriotes, une milice composée de volontaires civils. En 1838, la rébellion a pris fin avec la capture des dirigeants des Patriotes. Vingt-neuf membres du mouvement des Patriotes ont été exécutés et cinquante-huit ont été contraints à s’exiler en Australie en raison de leur implication dans la rébellion.
Square Cabot
Square Cabot, nommé après l’explorateur anglais d’origine italienne John Cabot, est depuis longtemps un lieu de rencontre informel pour les familles inuit et cries qui visitent Toihti:áke / Montréal afin d’avoir accès à des services médicaux. De nombreux organismes communautaires se sont installés dans le quartier pour venir en aide aux membres vulnérables de la communauté autochtone urbaine. Durant les dix dernières années, le quartier a subi une gentrification avec des rénovations et des nouveaux développements de condominiums. En réponse à ceci, le YMCA et le Foyer pour femmes autochtones de Montréal ont ensemble créé le Projet du Square Cabot. Sa mission est de contrer le déplacement des populations autochtones dans le centre-ville de Tiohti:áke / Montréal.
Place des Arts
La Place des Arts est un complexe culturel dédié aux arts de la scène situé dans le Quartier des spectacles. Durant la première moitié du XXe siècle, ce secteur, connu comme le Red Light, était réputé pour accueillir des formes de divertissement plus déviantes comme l’alcool, le jeu et la prostitution. Le complexe de la Place des arts a été construit au cœur du Red Light, par le maire Jean Drapeau, dans le but d’assainir le quartier et de développer le district financier vers l’est.
George-Étienne Cartier Monument
Pour plusieurs, le monument à Sir George-Étienne Cartier ne sert que de décor à l’un des événements culturels les plus importants de la ville. Tous les dimanches après-midi, du printemps à l’automne, des centaines de personnes s’y réunissent pour les tam-tams, un rassemblement de percussionnistes organisé de façon informelle chaque semaine depuis la fin des années 1970. De nombreux percussionnistes locaux, notamment le musicien sénégalo-canadien David Thiaw, considéré par ses pairs comme le premier joueur de djembé québécois, ont été parmi les premiers organisateurs de l’événement au pied du monument.
Whiskey Trench
Whiskey Trench désigne un tronçon de l’autoroute 138 près du fleuve St-Laurent à l’approche du pont Mercier vers le sud ou de la route. Durant la résistance de Kanesatà:ke (souvent appelée la crise d’Oka), en geste de solidarité avec les personnes qui défendaient leur territoire de la communauté de Kanesatà:ke, la communauté mohawk de Kahnawà:ke a barricadé le pont Mercier. Craignant une fusillade si l’armée entrait à Kahnawà:ke, un convoi de 75 véhicules a été organisé afin d’escorter les femmes, les enfants et les personnes aînées vers l’extérieur de la communauté. Le tronçon descend sous le niveau de la rue et est entouré d’un mur des deux côtés. Une foule s’est rassemblée sur les viaducs au-dessus de l’autoroute et a lancé des pierres au convoi lorsqu’il passait.
Le tunnel de graffitis
Le tunnel de graffitis (aussi connu sous le nom de mur légal Rouen) est situé dans le quartier Hochelaga à Tiohti:áke / Montréal. En contraste avec les grandes murales présentent un partout dans la ville, le tunnel de graffitis n’est pas commandité ou financé par la ville ou par une institution. L’espace ouvert à tout le monde n’impose pas de lignes directrices. On peint constamment par-dessus les œuvres pour en créer de nouvelles, l’apparence du tunnel change donc constamment. Différents styles et habiletés artistiques y sont représentés : des tags, des œuvres plus politiques et des références à la culture populaire se mélangent.